Amazones du soir, bonsoir !

Danièle Cottereau (mars 2011)

 

Roman d'aventures, ce récit d'une vie évoque des conquêtes collectives : Mai 68, le Mouvement de Libération des Femmes, Mai 81, les radios libres avec
Fréquence Gaie…

Il nous permet aussi de croiser des personnalités hautes en couleur : Jean-Pierre Chabrol, Pierre Mac Orlan, Georges Brassens, Catherine Ribeiro, Coluche, Juliette Gréco, Jacques Higelin, Catherine Lara, Marthe Mercadier, Khrouchtchev, François Mitterrand… lors de rencontres fortuites.

C'est une croisière au gré du temps qui vous est proposée, une invitation au voyage, avec des escales dans les petites calanques et les grands ports, au propre et au figuré, une fresque plus qu'une croisade. Les chevauchées d'une femme libre qui voyage avec d'autres humains libres, cela n'est pas si courant.

 

L’auteur

Danièle Cottereau est artiste peintre fresquiste depuis 1987.

 


Extraits…


[en 1969, Jean-Pierre Chabrol]
m'emmène à la Générale de Georges Brassens à Bobino. Après le spectacle, nous allons dans sa loge. Grand honneur puisque Brassens n'y accepte que ses amis très proches. Il n'est pas bavard. Je suis intimidée. Au bout d'un moment, Brassens dit à Chabrol :
- Il faudra qu'on se parle entre hommes, Jean-Pierre !
je prends la mouche et en regardant Brassens :
- Ne vous gênez surtout pas, je n'ai pas l'habitude d'embêter le monde !
et je suis partie en claquant la porte de sa loge. Il était stupéfait :
- Hé ben, elle a du tempérament la petite !
Jean-Pierre ne m'en voulait pas, il aimait le franc parler.
J'ai revu G. Brassens lors d'un dîner aux "Îles Marquises", restaurant situé en face de Bobino, après l'un de ses tours de chant. Autour de la table se trouvent Jacques Brel, Jean Ferrat, sa femme Christine Sèvres, Brassens et bien sûr Jean-Pierre Chabrol sans lequel je n'aurais pas été là, ami de tous […]


Rendez-vous a été pris dans mon bureau pour préparer les avant-premières et la Générale de son spectacle. Elle franchit la porte et mon stylo me tombe des mains. Catherine Ribeiro vient vers moi en souriant. Je suis aphone… Déglutition, respiration, et j'arrive à lui bredouiller :
- Bonjour, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt vos chansons. Diriez-vous que vous faites de la chanson Pop ou Rock ?
Catherine est belle à couper le souffle. Et surtout, il se dégage d'elle une énergie, une révolte et parfois une tendresse, qui m'attirent.


Le 5 Novembre 83, nous organisons une fête pour les deux ans de Fréquence Gaie, au Cirque d'Hiver.
L'invitée vedette est Juliette Gréco. Avant de l'annoncer, dans les coulisses, je la vois sortir de sa loge et marcher, tremblante, vers la scène. Elle s'arrête et je lis dans son regard le trac.
Je m'approche doucement, la prends dans mes bras, comme je fais avec Catherine, et la serre contre moi, sans parler…
Je ne lui dirai pas comment nous avions fait connaissance toutes deux, treize ans auparavant, chez elle. J'aime cette femme, rebelle et sensuelle. Ce sont des femmes comme elle qui m'ont permis de vivre librement, par la simple connaissance de leurs existences.


[…] je quitte "Sapho Night" pour commencer une nouvelle émission : "Amazones du soir, bonsoir !" le mardi puis le dimanche soir pendant deux heures et demie, avec des partenaires plus nombreuses et spécialisées. C'est l'émission qui correspondra le plus à mes désirs. Les rubriques cinéma avec Cathy Bernheim, jazz avec Denise, poésie avec Mijane, contes avec des ogresses et des sorcières, témoignages et tranches de vie, informations sur la vie associative et la presse féministe et lesbienne, contacts, tout ce que je souhaitais y sera, arrosé d'humour et de sensualité, bien entendu.


Le rédacteur en chef (du Canard Enchaîné) explose de colère et me jette de son bureau :
- C'est pas la peine de revenir avec vos dessins féministes à la con !
…Et bien, mes dessins qui vont trop loin et mon "féminisme à la con" ne vont pas rester dans un tiroir, et je décide de faire un journal humoristique féministe.
Comme d'habitude, j'appelle à la rescousse Cathy, Victoire, une autre amie, et deux autres femmes viendront nous rejoindre. L'équipe est ainsi formée d'Agatha Friskies, Kiki, Victoria Camelia, Augustine Chiffon, et Frite Modern' dite aussi Lili Grafiti, rien que du beau linge !
"Folles Alliées" laisse la porte ouverte à tous nos délires et nous n'y pratiquons aucune censure. C'est donc politiquement et moralement très incorrecte.


Anne Gaillard (qui a décidé de faire une émission sur les lesbiennes) se tourne vers moi pour "m'accueillir" :
- Alors, dites moi pourquoi vous détestez les hommes ?
- Dois-je en conclure que vous détestez les femmes ?
C'est bien parti, le ton monte déjà.
- Nous ne sommes pas là pour parler de ma vie, répondez !
- Madame, avant de vous livrer le moindre mot sur ma vie, je vous demanderai de me signer un texte par lequel vous vous engagez à soumettre la diffusion de cette émission, une fois montée, à mon approbation.
La colère la soulève du canapé :
- Mais pour qui vous prenez vous ?
- J'ai été attachée de presse, j'ai fait pleurer Jacquou le Croquant dans une petite église avec des oignons sous les yeux pour obtenir la "une" de "France Soir", et je connais tous les trucages possibles pour trahir quelqu'un derrière une caméra. Or je vous sens agressive et prête à déformer le moindre de mes propos. Et si vous n'acceptez pas mes conditions, nous partons toutes les trois !
…Avant de claquer la porte, j'ai eu le temps d'entendre Anne Gaillard crier :
- Bon débarras, on fera les nains à la place !